Introduction – Quand l’énergie rencontre la solidarité

Au Burundi, où moins d’un foyer rural sur vingt a accès à l’électricité¹, le projet « Appui aux initiatives des adolescents en innovations et solutions communautaires à impact social » ouvre de nouvelles perspectives. Exécuté par FIADI (Femmes Ingénieures Actives pour le Développement Inclusif) avec le financement de l’UNICEF, il associe énergie verte et inclusion financière.

Deux axes en sont le cœur : les stands solaires mobiles, qui offrent lumière et opportunités économiques, et la mutualisation des petits moyens financiers au sein des Groupes de Solidarité (GS), qui permettent aux adolescents et jeunes d’épargner, de se prêter mutuellement et de s’entraider – selon une méthodologie inspirée du modèle VICOBA.

Le jeudi 4 septembre 2025, une mission conjointe UNICEF–FIADI a visité deux localités : Rukoyoyo (Province Buhumuza, Commune Cendajuru), où les bénéficiaires construisaient eux-mêmes un stand solaire, et Matara (Province Bujumbura, Commune Rwibaga), où la digitalisation des GS était à l’honneur.

Rukoyoyo – Des étincelles d’avenir

Sous le soleil de midi, l’air vibrait d’énergie. À Rukoyoyo, des adolescents et jeunes, outils en main, assemblaient une maisonnette métallique coiffée de panneaux solaires, abritant les équipements nécessaires pour stocker et distribuer l’énergie. Chaque geste traduisait leur fierté : ils n’étaient pas spectateurs, mais bâtisseurs de leur propre avenir.

Autour d’eux, la communauté observait, déjà convaincue et enthousiaste des usages à venir : recharger les téléphones, offrir la lumière pour les cours du soir, ouvrir des salons de coiffure ou de petits commerces.

Présent, Yacouba Djibo Abdou, Education Manager de l’UNICEF, a salué cette implication:

« Voir des adolescents manipuler avec assurance des outils d’ingénierie, c’est une preuve que l’énergie, répondant à un besoin identifié par la communauté, et la solidarité peuvent ouvrir de nouveaux horizons. »

Repousser les limites – Un message de confiance

Après l’installation, la délégation a échangé avec les bénéficiaires. Certains exprimaient leur fierté d’apprendre un métier, d’autres parlaient déjà de projets pour soutenir leurs familles.

C’est dans ce cadre qu’Étienne Niyongabo, Spécialiste du développement des adolescents à l’UNICEF, a livré un message marquant. Il a commencé par l’histoire d’un mécanicien de Buyenzi : un homme qui n’avait pas dépassé la 6ᵉ année primaire, mais qui était capable de démonter et de remonter seul le moteur complexe d’un camion Mercedes. Pendant une semaine entière, il travaillait pièce par pièce, manipulant des dizaines d’éléments lourds et complexes, se souvenant de chaque emplacement. Un exploit réalisé sans diplôme, sans manuel et sans accès à internet.

« Imaginez ce que vous pouvez accomplir aujourd’hui, avec vos téléphones, vos stands et l’électricité. Ce mécanicien travaillait à une époque sans tutoriels, sans vidéos explicatives, sans moteurs de recherche. Vous, vous avez tout cela à portée de main. Vous pouvez apprendre une langue, une technique agricole, la transformation agroalimentaire, la menuiserie, la couture, ou même la programmation informatique. Tout est là, disponible. »programmation informatique. Tout est là, disponible. »

« Quelles sont vos limites ? Le fait de ne pas avoir poursuivi vos études ? N’acceptez jamais cela comme une fatalité. Vous pouvez recommencer, écrire une nouvelle histoire. L’électricité que vous installez aujourd’hui n’est pas seulement pour recharger vos téléphones. Elle est là pour recharger vos vies, débloquer votre potentiel. »

Groupes de Solidarité – La solidarité comme capital

Les bénéficiaires sont revenus sur le rôle clé des Groupes de Solidarité (GS). Ces structures permettent d’épargner, de se prêter de l’argent à tour de rôle et de financer de petits projets. Elles sont à la fois caisse commune, assurance mutuelle et école de citoyenneté.

À Rukoyoyo, les GS avaient déjà permis d’acheter du matériel, de soutenir des activités génératrices de revenus et de préparer l’installation des stands solaires. La mission a aussi visité des projets annexes, comme l’apiculture et la pisciculture, preuve que la solidarité devient un véritable capital de développement.

Matara – Le numérique au service de la confiance

À Matara, la délégation a d’abord rendu une visite de courtoisie aux autorités de Rwibaga, avant de rencontrer les GS locaux. Ici, l’innovation résidait dans la digitalisation : une application mobile pour gérer l’épargne et le crédit, en remplacement progressif des registres papier.

Les jeunes ont expliqué son fonctionnement : ouverture des séances, enregistrement des cotisations, demandes de prêt, gestion des pénalités et de la caisse sociale. L’application apporte transparence et traçabilité, et pourrait demain servir de référence pour les banques ou microfinances.

Une inquiétude a été soulevée : l’accès irrégulier à internet. Gretta Kundikije, Responsable de l’engagement des adolescents, a apporté un éclaircissement rassurant :

« Même sans connexion, toutes les opérations peuvent être effectuées et synchronisées plus tard. Il est toutefois recommandé d’ouvrir l’application avec une connexion active avant le début de la réunion, afin de garantir que personne ne soit bloqué par d’éventuels problèmes de réseau. »

FIADI – Le génie de simplifier l’ingénierie

À l’issue de la mission, Jeanette Kaneza, représentante légale de FIADI, a partagé une réflexion :

« Notre défi n’est pas seulement technique. Il est pédagogique : comment expliquer la tension ou l’intensité à quelqu’un qui n’a jamais étudié la physique ? »

FIADI adapte la formation aux adolescents et jeunes, selon leur compréhension et leur rythme. La science y est traduite en gestes simples, concrets, accessibles.

Jeanette souligne aussi l’importance du rôle des femmes ingénieures : bienveillance, sens de l’accompagnement, écoute. Leur pédagogie crée un climat de confiance unique. Chaque installation devient ainsi un geste technique et social, contribuant à la cohésion et à la paix.

Conclusion – Rallumer l’avenir, ensemble

De Rukoyoyo à Matara, la mission UNICEF–FIADI a montré des adolescents et jeunes qui s’approprient l’énergie, la solidarité et le numérique pour transformer leur quotidien.

Derrière un stand solaire ou une application, il y a des vies qui changent, des villages qui s’organisent et un pays qui renforce sa résilience.

La mission s’achève, mais l’appel demeure :

• Aux partenaires publics et privés, d’investir davantage dans ces dynamiques ;

• Aux institutions financières, de reconnaître la crédibilité des GS et de leurs registres numériques ;

• À chaque acteur de la société, de croire en la capacité des communautés rurales à avancer par la solidarité et l’innovation.

Parce qu’au Burundi, la lumière n’est pas seulement une affaire d’électricité. Elle est aussi une affaire d’unité, de dignité et d’espérance.



¹ Selon les statistiques disponibles (Banque mondiale, données énergie 2022).

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